voici quelques textes de science fiction qu'il faudra adapter.Tout dépend de l'objectif de l'activité ou de la visée du texte. Tu devrais aussi chercher: Joseph Sternberg ou Mercel Béalu.
texte 1: L'ordinateur
Il y avait deux ans que la multinationale attendait cet ordinateur unique au monde qui devait résoudre tous ses problèmes de gestion - et elle en avait de plus en plus.
Imposante, hautaine dans la simplicité plastique de sa formidable complexité interne, l'énorme machine électronique avait des facultés illimitées, des pouvoirs surprenants, des possibilités innombrables. Elle aurait pu remplacer des services au grand complet, une armée de comptables, n'importe quelle fournée de directeurs et aucune question de gestion, aucun problème apparemment insoluble ne pouvait la prendre de court.
Mais dès son installation dans les bureaux de l'entreprise, c'est elle qui prit les responsables de court en leur signifiant qu'elle ne se mettrait en activité qu'à la seule condition d'être officiellement syndiquée et affiliée pour la Sécurité sociale. Le lendemain, ayant obtenu satisfaction, elle se mit en grève parce que le local où elle était entreposée ne lui plaisait pas. On la déplaça d'un étage, on, lui trouva une pièce plus spacieuse où elle exigea la présence à plein temps d'une secrétaire particulière qu'elle voulait aussi compétente que séduisante. Cette requête inquiéta si bien la direction qu'on jugea nécessaire de confier l'ordinateur aux bons soins d'un psychanalyste. Et l'ordinateur devait dissimuler dans ses entrailles des trésors de complexes et de complexités embrouillées, car les séances d'analyse duraient de neuf heures du matin à seize heures.
Une semaine plus tard, l'entreprise vendait à bas prix la machine si perfectionnée à une *firme concurrente dont elle voulait depuis longtemps la peau.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] texte 2: Les chats
On s’était si souvent demandé, et depuis longtemps, à quoi les chats pouvaient bien penser.
Tapis au plus profond de leur solitude, enroulés autour de leur chaleur, comme rejetés dans une autre dimension, distants, méprisants, ils avaient l’air de penser, certes. Mais à quoi ?
Les hommes ne l’apprirent qu’assez tard. Au XXIe siècle seulement.
Au début de ce siècle, en effet, on constata avec quelque étonnement que plus aucun chat ne miaulait. Les chats s’étaient tus. On n’en fit pas un drame. En fin de compte, les chats n’avaient jamais été tellement bavards : sans doute n’avaient- ils vraiment plus rien à dire à présent. Puis, plus tard, on releva un autre fait.
Plus singulier celui - là : les chats ne mouraient plus.
Quelques - uns mouraient évidemment par accident, écrasés par un véhicule, le plus souvent;
ou emportés en bas âge par quelque maladie particulièrement pernicieuse. Mais les autres évitaient la mort, lui échappaient, comme si cette fatale échéance n’avait plus existé pour eux.
Cette énigme, personne ne la perça jamais.
Leur secret était simple pourtant. Les chats, depuis qu’ils étaient sur terre, n’étaient jamais sortis de leur indolence native pour accomplir, comme les hommes, mille petits tours savants.
Ils n’avaient jamais rien construit, pas même leur niche. Ils avaient toujours laissé les hommes
s’occuper de leur sort, leur procurer la nourriture, le confort et la chaleur artificielle. Eux,
libérés de tout, avaient toujours vécu dans une sorte d’hibernation idéale, bien dosée, parfaitement mise au point, ne songeant qu’à mieux se concentrer, douillettement lovés dans leur bien - être.
Les chats avaient eu beaucoup de temps pour y penser. Ils avaient beaucoup pensé. Mais alors
que les hommes pensaient à tort et à travers, au superflu de préférence, les chats, eux,
n’avaient pensé qu’à l’essentiel, sans cesse, sans se laisser distraire. Ils n’avaient médité inlassablement, au cours des siècles, qu’un seul problème.
Et, à force d’y penser, ils l’avaient résolu.
texte3 : La mouche.
J e n’aurais, bien sûr ! pas fait de mal à une mouche. Mais celle-ci persistait dans son infime et agaçante présence, se collait au bord de la table, semblait, malgré l’avance de la saison, ne vouloir en finir avec sa vie de mouche. D’une chiquenaude je l’envoyai sur le sol et me remis à écrire. Au bout d’un long moment, levant le nez, je l’aperçus qui se traînait encore sur l’espace vide du plancher. Non sans un peu de répulsion, je tendais le pied pour l’achever quand j’eus l’impression qu’elle avait augmenté de volume. Quel idiot
j’étais d’avoir pris pour une innocente mouche ce perfide insecte deux fois gros comme elle ! Sans hésitation je l’écrasai. Mais à peine ma semelle relevée, la disgracieuse bête, grosse à présent comme un cancrelat, détalait avec une extraordinaire vélocité et comme je la poursuivais, comme j’allais l’atteindre, se glissait sous un coin du tapis. Alors je m’acharnai, foulant l’endroit où je la présumais cachée, sûr cette fois d’en être quitte. Il n’en fut rien pourtant. Je n’étais pas depuis deux secondes à nouveau penché sur ma page que je vis la carpette se soulever lentement et une sorte de monstrueux hanneton noir en sortir. Il avançait difficilement, en laissant une trace brunâtre. Mais lorsqu’il m’eut entrevu, et malgré mon état lamentable, le hideux animal pris de panique parut se soulever du sol. Et tandis que je le pourchassais autour de la chambre il se métamorphosait devant mes yeux. Sous lui le paquet de tripes grises enflait, prenait forme, comme si la carapace n’eut été qu’un cocon inutile. Et bientôt je me rendis compte que cette bestiole n’était pas plus mouche que blatte mais simple souris blanche. Enfin, d’un coup de pied, je
réussis à l’aplatir, immobile, au milieu d’une flaque de sang. Je me retournai. Autour de la table, les
membres de ma famille étaient assis et me regardaient avec un douloureux étonnement nuancé de reproche.
Marcel Béalu, « La Mouche » (1944) in Mémoires de l’ombre, © 1991, Éditions Phébus
texte 4: Les Sacs
Raymond DEVOS
La maison de Mme X...., romancière.
Un livreur pose plusieurs sacs postaux devant la porte... et sonne...
Voix: Qu'est-ce que c'est?
Livreur: Ce sont les sacs de mots que vous avez commandés!
Voix: Une seconde!... (On ouvre la porte.)
Mme X...: Ah!!! Tous les mots y sont?
Livreur: Tous!... (Les vérifiant:) Des sacs de mots courants... un sac de mots inusités... de mots incohérents... de mots sans suite... et il y a même un mot de trop!!!
Mme X...: Et ce petit sac?
Livreur: Ce sont les ponctuations... les points... les virgules, etc.
Mme X...: Vous m'avez mis quelques "entre parenthèses"?
Livreur: Les "entre parenthèses" sont entre "les guillemets"...
Mme X...: Très utiles! Pour les i?
Livreur: Les points sont dessus! Avec les trémas!
Mme X...: Les accents?
Livreur: Ils y sont tous!... Les graves... aigus... circonflexes... et autres... sans compter les points de suspensions!...
Mme X...: Bref!... Là-dedans, il y a de quoi bâtir tout un roman!
Livreur: Il y a tout le matériau nécessaire! Il y a même quelques phrases toutes faites...
Mme X...: Et l'intrigue?
Livreur: Elle est dans le sac de nœuds!... (Il plonge la main dans un des sacs... et en sort quelques nœuds...). On vous en a mis treize à la douzaine pour brouiller les pistes...
Mme X...: Parfait!
Livreur: Pour le règlement?
Mme X...: Je vais chercher mon sac à main... (Elle le prend derrière la porte et l'ouvre.)
Voyez... (Elle en sort quelques mains.) Les mains sont dedans!... Il y en a toute une poignée.
Livreur (le prenant à l'épaule:) Merci!... L'affaire est dans le sac!
Mme X...: L'affaire est dans le sac!