Le Loup et l'Agneau (I,2)
Au même ruisseau la soif avait entraîné
Le loup et l'agneau. Le loup était en amont,
L'agneau, loin en contrebas. Mû par sa voracité,
Le brigand sans scrupules se mit à lui chercher noise :
« Pourquoi donc as-tu, dit-il, rendu l'eau troublée
Au moment où je buvais ? » Le porte-laine, tremblant :
« Dis-moi, Loup, comment je peux être cause de tous tes maux
Puisque le courant descend de toi jusqu'à moi ? »
Le loup, confondu par un argument si fort,
Reprit : « Voilà plus de six mois, tu as médit de moi. »
« Moi ? répondit l'agneau, mais je n'étais pas né.
- Alors, morbleu, c'est ton père qui a médit de moi. »
Il le prit, le mit en pièces, une injuste mise à mort.
La fable fut écrite pour ces sortes de gens
Qui, sous de vains prétextes, oppriment l'innocent.
La Brebis, le Cerf et le Loup (I,17)
Un fraudeur qui, pour garants, offre des gens malhonnêtes
Cherche à vous embobiner plutôt qu'à régler l'affaire.
Le cerf à la brebis demandait un muid de blé,
Avec le loup pour garant. Elle pressentit la ruse :
« Voler, dit-elle, et s'enfuir, le loup en a pris l'usage :
Le tien est de disparaître au regard, d'un bond rapide.
Où irai-je vous chercher quand sera échu le terme ? »
Le Cheval et le Sanglier (IV,4)
Dans la mare où le cheval s'abreuvait à l'ordinaire,
Le sanglier se vautra, et l'eau devint trouble :
Ils se querellèrent. L'animal au pied sonore
Chercha le secours de l'homme et, le prenant sur son dos,
Revint contre l'ennemi. Le cavalier, quand il eut,
Par ses traits, tué la bête, prit la parole en ces termes :
« J'ai bien fait de t'aider en réponse à tes prières,
Car j'ai fait une prise et découvert tes services. »
Et le rétif animal fut soumis au frein.
Alors il se lamenta : « En cherchant à me venger,
Pauvre fou, d'une broutille, j'ai trouvé la servitude. »
Leçon pour les irascibles : Plutôt laisser impunie
Une injure, que se livrer au pouvoir d'autrui.