Les voyages forment la jeunesse...
Montaigne l'a dit, tout le monde l'a repris : les voyages forment la jeunesse.
Forts de cet adage, certains parents ont passé, des années durant, l'été au camping des Flots-les-Mouettes, la tente plantée juste en face de la piste de pétanque, convaincus qu'ils allaient donner ainsi à leur descendance le goût des voyages "l'année passée, à côté de nous, il y avait des Norvégiens, dingue, non ?"
D'autres, plus fortunés, ont tenté de faire croire à leurs enfants que le voyage, c'est toujours "descendre" dans le même hôtel, peu importe où l'on se trouve sur le globe "tu sais chéri, Papa cumule les points fidélité s'il se rend plus de deux fois par mois dans cette chaîne d'hôtel et il obtient des réductions".
Inutile de préciser que le camping des Flots-les-Mouettes et les hôtels Ibis ont perdu un client le jour où Ado a atteint à la fois l'âge légal de l'indépendance et la capacité à ne pas dépenser immédiatement l'argent reçu pour son anniversaire et à Noël puis gagné durant les fins de semaine : cette année-là, enfin, l'aventure allait pouvoir commencer. Et qui de se rendre à Amsterdam pour planer même une fois l'avion posé, qui de choisir Londres, pour son esprit punk ou encore Ibiza à cause de ses nuits sans fin.
D'accord, j'ai (un peu) forcé le trait et les premiers voyages de mes copains n'ont pas tous été aussi caricaturaux : ainsi, Julie a traversé l'Islande à pied et à dos d'âne durant six semaines, tandis que Anne sillonnait le Pérou en bus.
Par la suite, certains de mes copains - amis se sont donné les moyens de vivre une année sabbatique, consacrée au "backpacking" généralement en Asie, tandis que d'autres rejoignaient les villages les plus reculés d'Afrique durant les vacances universitaires.
Toutes ces personnes le confirmeront certainement encore aujourd'hui : les voyages forment la jeunesse en tant qu'ils élargissent la connaissance, d'un autre coin de globe et de soi-même. Découvrir d'autres modes de vie, d'autres religions, d'autres climats, d'autres aliments, d'autres musiques, d'autres rites est certainement primordial et la différence est toujours un enrichissement.
Moi, pendant ce temps, c'est à peine si j'avais quitté le village qui m'avait vu naître et je n'envisageais pas vraiment de changer de fuseaux horaire, me demandant pourquoi les gens ont ce besoin frénétique de partir à des milliers de kilomètres alors qu'ils ne connaissent même pas le nord de l'Allemagne. Pourquoi veulent-ils à tout prix manger des tacos alors qu'ils ne savant même pas s'ils aiment le bacalhau ? Faut-il réellement se ruer au Laos alors qu'on n'a pas encore visité Krakow ?
En d'autres termes, j'ai toujours eu - et continue d'avoir - la sensation que le voyage, certes, peut "former" mais que je ne devais pas être la "jeunesse" dont parlait Montaigne.
Pourtant, j'avais la conviction que moi aussi, je voyageais. Sans passeport ni sac à dos. Notamment par la lecture, par l'écoute des récits des autres ou par le dialogue avec des gens venus d'ailleurs.
Aujourd'hui encore, je ne vois toujours pas très bien pourquoi j'irais marcher dans les parcs nationaux des Etats-Unis alors que le GR20 est pour ainsi dire devant ma porte et je continue de penser que si ma visite de la Mosquée bleue a été un moment merveilleux, il n'en demeure pas moins que je n'y entends toujours rien à l'histoire du peuple kurde.
Salariée, disposant de cinq semaines de vacances par année, je n'ai jamais vu l'intérêt que je pourrais trouver à "faire" la Chine, surtout pas en version "quatorze heures de voyage et quatre vols nationaux, le tout en dix jours, hôtels et transferts compris".
Bref, je viens de passer 38 ans sans trop bouger, mon récent changement de passeport étant dû à l'écoulement du temps et non au fait qu'il était rempli de visas et de timbres divers. Aujourd'hui, toutefois, je sens que ma quiétude va prochainement prendre fin : Junior (6 ans) m'a demandé au cours du week-end "dis, Maman, on fait quoi cet été durant les vacances ?"
Le camping et la Chine, c'est et ça restera exclu ! Et la plage aussi d'ailleurs, j'ai horreur de trouver du sable dans mon sandwich, je déteste me couper le pied avec un morceau de coquillage et l'odeur de la crème solaire me file mal à la tête, surtout lorsque mon voisin écoute à fond de la musique inaudible à mon avis.
Mais peut-être que je porterai sur les voyages un autre regard lorsque vous m'aurez ouvert votre album photos : de quel(s) voyage(s) gardez-vous un très bon souvenir et pourquoi ?
Madame Poppins