A lire absolument ! Préparer sa classe
ou
se préparer à faire classe
Le travail de l’enseignant est riche est varié. Il ne se contente pas uniquement de « faire la classe » même si c’est le gros de son emploi du temps, l’essence même du travail du professeur. Il est devant ses élèves et met en place les conditions pour que les élèves s’apprennent, grandissent en humanité, en responsabilité, en bonheur. Le professeur est donc amené à sélectionner un ou plusieurs savoirs de registre différents :
- Des connaissances comme par exemple la technique de la multiplication ou les rois au XVIIème siècle …
- Des aptitudes que j’appellerai ici également capacités comme par exemple être adroit, savoir s’exprimer, lire, être curieux, avoir de la mémoire …
- Des démarches comme émettre des idées, vérifier ses hypothèses, planifier son action…
- Des valeurs comme la solidarité, l’honnêteté, le partage, l’humilité, le respect, l’empathie …
Et choisit des situations d’apprentissage qui lui semblent le plus porteuse des savoirs multiples qu’il souhaite transmettre aux élèves qui lui sont confiés par la Nation.
A-t-il toujours conscience de ces savoirs multi formes qu’il développe chez ses élèves en choisissant telle ou telle situation d’apprentissage et en optant pour telle ou telle attitude personnelle.
Je peux également vous énumérer toutes les taches qui incombent à ce poste de professeur :
- Planification des apprentissages de la classe sur une année, voire un cycle et répondre à cette question : Je propose quoi et quand qui sollicite quelles connaissances, aptitudes, valeurs ?
- Préparation de la classe au quotidien. Que vais-je proposer aujourd’hui et de quelle manière ?
- Corrections des productions ou tests des élèves,
- Rencontres : avec les familles, les autres professionnels qui gravitent autour du jeune (orthophoniste, psychologues…),
- Travail en lien avec ses collègues : conseils de cycle,
- Formations,
- Surveillances,
… Ainsi que tout ce que j’ai oublié
Je veux revenir sur un point et l’interroger : La préparation de la journée de classe au quotidien. Comment se déroule-t-elle habituellement ? Que fait l’enseignant ? Que doit-on préparer ?
Traditionnellement et faisant partie des habitus scolaires, la classe se prépare devant cahier journal de classe et fiches de préparation quand on débute. (Effectivement, je n’ai jamais vu d’enseignant réaliser de fiches de préparation en dehors que pour réussir son diplôme de professeur.) Bref, le professeur est sérieux et doit écrire pour préparer sa classe. Souvent, je le vois préoccupé à compléter des cahiers journaux, des fiches de préparation, écrire des pages et des pages pour au cas où, puisqu’on nous l’a toujours demandé … Il pense au matériel, aux exercices, aux photocopies, éventuellement dans quelle situation il va placer les enfants. (seul, à deux…) Il pense à l’évaluation (très important de savoir comment rendre compte à l’externe des connaissances. Quel test sur combien de points ? Quels devoirs du soir ? Il pense au temps qu’il va consacrer à telle matière… et il a préparé sa classe comme on lui a transmis, comme il l’a imaginé, comme il se doit.
Mais cela sert-il vraiment ses élèves ou répond-on à une demande externe ? De nombreuses questions restent en suspens :
- Où s’est-il préparé lui-même ?
- Où et comment s’est-il préparé à accueillir les enfants, les écouter, être disponible ?
- Quand a-t-il pensé à eux enfants, pas élèves ? A-t-il remarqué les inquiétudes de Giselle ? L’instabilité de Marc ? Les progrès d’Estelle ?
- Comment s’est-il préparé à recevoir tous ces enfants qui arrivent avec toute leur énergie à canaliser ?
- Comment s’est-il préparé à être patient, disponible, de bonne humeur ?
- Comment s’est-il préparé à être à la fois exigent et bienveillant, cadrant et rassurant, sanctionnant les transgressions de règles et aimant ?
Tous les matins, j’arrive dans ma classe de cycle trois à 7 h 30, 45 minutes avant l’arrivée des enfants et je pense le quotidien de ma classe comme tout enseignant qui se respecte. Qu’allons-nous faire à quelle heure, avec qui, de quelle manière et pour viser quoi ? Je l’écris rapidement sur un support papier pour avoir une trace écrite de mon fil conducteur
Puis je me prépare mentalement, affectivement, émotionnellement à mieux recevoir les enfants, être disponible, me rappeler les événements des jours passés, penser à un tel, un autre tel, me remémorer ce qui a été dit la veille, Ai-je blessé cet enfant ? Tiens, il faudra que je revienne sur cette histoire avec lui. Pourquoi celui-ci bougeait autant ? Pour quoi m’a-t-elle dit cela ? Eliane était en difficulté sur cet exercice, que s’est-il passé pour elle ? Gilles a pleuré et je n’ai pas pu être à son écoute à ce moment là. Que s’est-il passé pour moi. Fiona m’énerve terriblement, que me renvoie-t-elle ? Et Anis qui me fait craquer, que me rappelle-t-il de moi-même ? Suis-je dans la juste posture avec lui ?
Et pour moi, qu’ai-je ressenti à ce moment là ? Il faut que je revienne sur mon message quand j’étais en colère après Jacques, nous devons nous reparler pour qu’il soit bien pour apprendre et moi avec lui.
Quel regard critique je pose sur ma manière de mener la classe ? Quels parents devrai-je rencontrer ?
N’ai-je pas d’autres stratégies d’enseignement à mettre en place pour développer d’avantage la curiosité chez mes élèves ? Qu’ai-je à améliorer ?
Est-ce que je rends assez compte aux parents du travail que nous menons en classe ? Ai-je adapté mon niveau à toute cette richesse qu’est l’hétérogénéité des enfants ?
Quand l’enseignant prend-il le temps de répondre à ces questions, s’en poser d’autres, se mettre en condition pour une belle journée de travail ?
Tous les matins, je rentre dans ma salle de classe, je vais mettre une belle musique souvent classique. En ce moment, Vivaldi m’inspire. Je m’assieds à mon bureau, mais pas toujours. Quelquefois, je me place au coin bibliothèque, sur une chaise d’élève. Je hume l’atmosphère, je note quelques points de repère pour ma journée de travail puis je réfléchis, je pense, j’anticipe. J’ouvre mon cœur et prépare cette journée en moi. Mes yeux courent sur les places provisoirement vides. Que vais-je offrir de moi à mes élèves ? Qu’allons-nous vivre de beau ? Qu’allons-nous apprendre ? Comment allons-nous grandir ensemble ? Qu’est-ce qui est prioritaire, essentiel, indispensable, futile ? Qu’est-ce que je veux pour eux ? S’ils devaient se rappeler une chose de moi, qu’est-ce que ce serait ?
Alors, je laisse voguer mon esprit, je m’imprègne de la classe et des enfants. Je « m’énergise » pour les recevoir. Je ne prépare plus la classe comme avant. Je me prépare intérieurement à ce que chaque jour soit une Histoire, une « tranche » de vie. Je me prépare à bien leur parler, les respecter en tant qu’hommes debout, les aider à grandir, à en faire des gens bien. Pour cela, je dois être moi-même bien, disponible, souriant, ayant envie de les voir, calme, authentique. Je dois être un potentiel tuteur de résilience pour celui ou celle qui en aura besoin. La classe doit être ce lieu sacré, cette citadelle inviolable où l’enfant, l’adulte, chacun se sent bien, protégé. Ce lieu propice aux apprentissages scolaires et de la vie…
Eduquer, c’est une Histoire d’Amour
Et au lieu de noircir des pages de préparation, je me prépare et j’ai envie…
Je vous laisse, je les entends arriver.
Jean-François LAURENT
Source:http://jean-francois.laurent.over-blog.com/pages/jean-fran-ois-laurent-preparer-la-classe-autrement-penser-autrement-2785281.html