Avant-propos
Dans le titre, nous avons emprunté le qualificatif "attracteur étrange" à Guy Le Boterf (1994) l’un des auteurs qui semble avoir le plus domestiqué le concept de compétences. D’ailleurs, tel un grand peintre traçant d’un léger coup de pinceau l’esquisse d’une œuvre majeure, il le décrit de la façon la plus saisissante et son expression rencontre l’approbation de tous les protagonistes quelque soit la rivalité les opposant.
D’obédience socialiste ou libérale, tout le monde reconnaît "l’irrésistible ascension" (Marc Romainville, 1996) de ce concept de compétences. Peut-être est-ce la façon osée par laquelle il pose le problème de l’éducation et la rupture définitive et radicale qu’il entend introduire dans nos pratiques, ou bien sa prétention à repenser l’homme de ce 21è.siècle, ou encore les prémisses de sa conception du savoir et du sens qu’il lui fait recouvrer dans une optique pragmatique ancrée à la vie réelle qui soulèvent toutes ces passions.
Toujours est-il que l’approche par compétences réveille en chacun de nous" des espoirs enfouis, maintes fois déçus, toujours prêts à renaître". (Philippe Perrenoud, 1996). Serait-elle une révolution copernicienne ou, au contraire, un effet de mode qui, par conséquent, et tel un feu de paille, disparaîtra aussi vite que les passions qu’elle attise autour d’elle ?
Dans tous les cas de figure, le constat qu’elle livre des pratiques actuelles est pertinent à plus d’un titre. Les limites dont souffrent les traditions encyclopédiques et comportementalistes (béhavioristes) appellent en urgence des réformes qui soient en rupture totale ou du moins majeure avec celles-ci.
Cette lame de fond qui risque de tout emporter sur son passage, est accueillie avec scepticisme (pour ne pas dire hostilité) par certains, et avec enthousiasme par d’autres.
Pour notre part, en consommateur fidèle et ouvert aux réflexions et suggestions novatrices, nous sommes parti, dans notre quête de compréhension du concept, aussi loin que ne le permettaient nos moyens d’investigation. Le pédagogue n’est-il pas cet être en perpétuel devenir ?
Aussi, sans préjugés, avec à-propos mais sans tomber dans la facilité de celui qui ne demande qu’à être séduit, avons-nous chercher à explorer ce nouveau venu (l’est-il vraiment ?) dans ses moindres recoins.
Fort heureusement, notre quête n’a pas été vaine. Bien au contraire, la littérature abondante et foisonnante sur la question nous a fait subir une surcharge cognitive (pour reprendre une expression en vogue).
La plus grosse difficulté s’étant présentée à nous était de mettre de l’ordre dans cette importante documentation riche et variée, émanant de plusieurs auteurs, eux-mêmes, issus de différentes écoles et disciplines : psychologie cognitive, ergonomie, sociologie, linguistique, pédagogie…etc.
Aussi, tenons-nous à préciser que nous n’avons aucun mérite dans le présent travail, si ce n’est celui d’avoir mis en correspondance, en adéquation, en articulation ces différentes contributions pour en constituer une sorte de carnet de bord, un référentiel professionnel pour l’enseignant qui veut être en phase avec les nouvelles tendances en éducation. Ce travail de compilation, nous l’avons voulu une sorte de complément d’information et de formation qui épargnerait au collègue, ou toute autre personne s’intéressant au sujet, d’investir le temps et l’énergie qu’il nous a fallu pour rassembler les éléments du puzzle (mais il n’en constitue qu’un point de départ).
Partant de notre propre vécu professionnel et nos préoccupations intellectuelles et pédagogiques, nous l’avons conçu autour de thématiques principales s’annonçant comme suit :
• Évolution de l’école universelle au fil de l’histoire et l’émergence du concept de compétences comme forme de sa maturation ; ancrages philosophiques et civilisationnels de ce concept (ses liens avec la société de l’information et de la connaissance) ;
• Mise en perspective psychopédagogique du concept et ses définitions en liens avec les disciplines qui l’appréhendent; sa définition dans l’éducation ;
• Les paradigmes présidant à une conception de l’enseignement dans les programmes d’étude selon une approche par compétences;
• Les grands chantiers pédagogiques visés par le changement curriculaire et l’adéquation de celui-ci avec une pédagogie par compétences : l’enseignement, le métier de l’enseignant, le métier de l’élève, l’apprentissage, la métaphore du transfert d’apprentissage,l’intégration des apprentissages,la métacognition, la motivation ;
• Les pédagogies actives et interactives (pédagogie par résolution de problème, pédagogie par/du projet, pédagogie coopérative);
• Les théories psychologiques d’apprentissage et leur conception de l’acte d’apprendre ;
• L’évaluation et son statut dans une approche par compétences ;
• Un glossaire des termes et concepts référant à la culture d’une approche par compétences et des pédagogies nouvelles.
Notre ambition est de présenter au collègue un point de départ pour un débat fécond et instructif afin d’améliorer nos technique de classe, de permettre à l’apprenant de s’approprier son espace et la culture de son milieu, et de le projeter dans une dimension émancipatrice de sa personnalité d’être en harmonie avec la nouvelle ère civilisationnelle, celle de la société cognitive. Si cette modeste contribution rencontre un semblant d’intérêt, même critique, nous aurons réussi au-delà de nos espérances.
Bonne pioche et bonne inspiration.
L’auteur.