Dans un passage narratif ou descriptif,
l'analyse du thème et du propos de chaque phrase permet de déterminer quelle
est la progression thématique adoptée.
On distingue trois types de progression thématique : la progression linéaire,
la progression à thème constant ou la progression à thèmes dérivés.
Dans une progression linéaire, le propos d'une phrase devient le thème de la
suivante. Ex. : « Pendant un demi-siècle, les bourgeoises de Pont l'Évêque
envièrent à Mme Aubain sa servante Félicité. Pour cent francs par an, elle
faisait la cuisine […] et resta fidèle à sa maîtresse qui cependant n'était pas
une personne agréable. Elle avait épousé un beau garçon sans fortune. »
(Gustave Flaubert, Un cœur simple). Le propos de la phrase 1, Félicité, devient
le thème de la phrase 2 ; ce type de progression explique la particulière
fluidité du récit de Gustave Flaubert et justifie ce que Marcel Proust disait
de son extraordinaire « continuité de style »).
Dans une progression à thème constant, toutes les phrases ont le même thème.
Ex. : « Il y a un chien, mais c'est un labri à poils ras. Il aboie par acquit
de conscience ; en vérité il plaisante. Il n'a pas l'air de s'effrayer de peu.
Malgré tout il m'arrête. » (Jean Giono, les Grands Chemins).
Dans une progression à thèmes dérivés (éclatés), le thème d'une phrase est
décliné en différents aspects qui constituent les thèmes des phrases suivantes.
Ex. : « L'Imânus, après avoir sonné avec sa trompe le coup de signal,
redescendit ; le marquis mit l'épée à la main ; les dix-neuf assiégés se
groupèrent en silence dans la salle basse. » (Victor Hugo, Quatrevingt-Treize).
Le thème initial des assiégés qui se préparent au combat, est abordé par une
succession de gros plans (sur l'Imânus, sur le marquis), puis par un plan
d'ensemble.
On parle de rupture thématique lorsqu'une progression est volontairement
interrompue pour créer un effet de sens. C'est le cas dans cet extrait des
Grands Chemins de Jean Giono : « Je reste longtemps immobile. C'est la
respiration de quelqu'un qui court. Je ne peux pas croire que c'est la sienne.
Cependant je sens l'odeur de sa veste mouillée. » La progression à thème
constant (« je », « je », « je ») est brisée par le surgissement de cet homme
qui court dans la nuit (« c'est la respiration de quelqu'un qui court »).