MANO avait décidé de voyager; il se déplaçait beaucoup, comme le font les hommes dans le massif du Tassili, et dans tout le Sahel d'une manière générale; parfois, c'était pour faire commerce d'animaux, parfois pour rencontrer un marabout réputé; cette fois, il s'agissait d'aller rendre visite à des parents éloignés.
À chaque départ, il avait pris l'habitude de poser une énigme à son entourage; à chaque fois, les pauvres gens se morfondaient, tant que durait son absence, incapables de trouver la solution. À son retour, MANO avait le beau rôle et se faisait un plaisir de les traiter d'incapables, confortant sa position de chef grâce à son intelligence.
Ce matin-là, il appela sa femme au moment de partir, et lui tint le discours suivant:
"Je voudrais, à mon retour, te trouver assise sur un mortier, souriant et pleurant en même temps."
Ayant passé cette consigne, il s'éloigna sans autre commentaire, laissant la pauvre femme désemparée devant un tel problème; Adelasegh, qui passait par là, s'étonna de la trouver dans un tel état de désespoir; après avoir entendu ses explications, il réfléchit et lui donna le conseil suivant:
"Lorsque tu verras mon oncle arriver, assieds-toi sur le mortier, prends un gros oignon, approche-le de tes yeux, coupe-le, puis souris lui quand il descendra de chameau."
À son retour, MANO trouva son épouse les larmes aux yeux, le sourire aux lèvres, assise sur son mortier, et se douta bien que c'était son neveu qui lui avait donné la solution de l'énigme, ce qui le contraria beaucoup.