Qui a autorisé la cinémathèque israélienne à diffuser un film produit
par un pays avec qui elle ne possède ni accords commerciaux, ni accords
culturels et encore moins de relations diplomatiques?
Le célèbre
film sur la révolution algérienne La Bataille d’Alger, réalisé par Gillo
Pontecorvo et produit par Yacef Saâdi a été visionné pendant plusieurs
mois à la cinémathèque de Tel-Aviv, en Israël, en 1988, peu après le
déclenchement de la première Intifada dans les territoires occupés.
C’est ce que révèle le site Wikipédia dans sa version anglaise.
Curieusement, cette information n’est pas disponible sur la version
française de la présentation du film. Yacef Saâdi et sa fille Zafira
restent les seuls producteurs du film à l’heure actuelle. Alors, qui a
autorisé la cinémathèque israélienne à diffuser un film produit par un
pays avec qui elle ne possède ni accords commerciaux, ni accords
culturels et encore moins de relation diplomatique? Il n’est pas exclu
que la partie italienne, coproductrice du film soit derrière cette
programmation.
Pour ce faire, elle devait avertir l’autre partie
productrice du film: l’Algérie. Quoi qu’il en soit, le film qui a été
interdit en Israël, pendant plusieurs années, a été présenté en 1988,
pour tenter de comprendre les motivations des manifestations des
Palestiniens dans les territoires occupés. Selon le site, le film a
suscité un grand intérêt dans le public israélien. La gauche israélienne
a utilisé le film pour soutenir l’argument selon lequel les tentatives
de soumettre les Palestiniens par la force sont vaines et qu’Israël
devait mettre fin à son occupation de la Cisjordanie et la Bande de
Ghaza, tandis que la droite israélienne a affirmé que la situation
d’Israël vis-à-vis de ces territoires occupés, forme une continuité
territoriale avec Israël d’avant 1967, que le cas n’était pas comparable
avec la Guerre d’Algérie et que la France et l’Algérie sont séparées
par la Méditerranée. La comparaison de la situation d’Israël avec la
Guerre d’Algérie a continué à surgir dans le débat politique israélien
même après que le film ait cessé d’être projeté à la cinémathèque de
Tel-Aviv et reste un thème récurrent jusqu’à présent en Israël. Il est
clair que le film La Bataille d’Alger est devenu une référence pour les
pays qui font face à une révolution interne. Ainsi, toujours selon le
site d’informations générales, le film a été également présenté dans les
années 1970 en Argentine pour les cadets de l’École supérieure de
mécanique marine (Esma), qui commençait à recevoir des cours sur la
contre-insurrection des classes. Dans un de leurs cours, ils ont
visionné le film La Bataille d’Alger. C’est Anibal Acosta, un des cadets
de l’Esma qui, interrogé par la journaliste française Marie-Monique
Robin, décrit la scène: «Ils nous ont montré ce film pour nous préparer à
une sorte de guerre très différente de la guerre régulière enseignée à
l’école de la Marine. Ils nous préparent pour des missions de police
contre la population civile, qui est devenue notre nouvel ennemi.» Si
les Israéliens n’ont pas sollicité les Algériens pour la projection du
film, ce n’est pas le cas du Pentagone, qui a invité Yacef Saâdi
lui-même pour présenter le film aux États-Unis en 2003.
Les chefs
du Pentagone ont étudié, dans le détail, avec leurs officiers chargés
des opérations en Irak le film de Gilles Pontecorvo pour mettre en place
une riposte à la guérilla urbaine en Irak.
Cette reconnaissance
de l’impact politique et sociologique du film, incita les producteurs
algériens et italiens à distribuer le film dans les salles américaines.
Le
12 octobre 2004, The Criterion Collection sortit le film en version
restaurée dans un coffret de 3 DVD. Dans le bonus du DVD, les anciens
officiers américains du contre-terrorisme Richard A. Clarke et Michael
A. Sheehan donnent leur opinion sur le film La Bataille d’Alger. Des
réalisateurs très célèbres tels que Spike Lee, Mira Nair, Julian
Schnabel, Steven Soderbergh et Oliver Stone, (qui sera à Alger le 18
novembre prochain) ont évoqué dans un documentaire l’influence du film
sur leurs oeuvres. Même Steven Spielberg s’est inspiré de la qualité de
la couleur noir et blanc du film de Pentecorvo pour faire son film sur
le massacre des juifs durant la seconde Guerre mondiale dans son film La
liste de Schindler. Le documentaire comprend également des interviews
avec les membres du FLN, Yacef Saâdi et Zohra Drif. Avec les années, le
film La Bataille d’Alger n’a pas vieilli, mieux encore, il est sollicité
partout dans le monde. Selon le magazine Empire, il est classé à la
120e place des 500 meilleurs films de tous les temps.
L'Expression