Étoiles et constellations sont bien connues des nomades qui traversent le désert, comme des marins qui voguent sur l'océan : le ciel limpide constitue
une carte qu'ils savent lire lorsque la nuit est venue et que sur le sol, ou sur la mer, ne s'inscrit aucune marque susceptible de les orienter.
Cette connaissance empirique fut, pour beaucoup de peuples, un savoir transmis oralement dans le but de trouver sa route et de reconnaître les signes annonciateurs des saisons. "Le lever et le coucher de certaines étoiles étalent les signes avant-coureurs des tempêtes ou au contraire des vents favorables et des mers calmes. Les étoiles annonçaient aussi aux paysans et aux bergers l'approche du moment propice aux semailles et à la moisson ..."
Le proverbe touareg suivant montre que les étoiles, selon la date et l'heure de leur apparition et de leur disparition, donnent aux hommes le signal du changement atmosphérique et des dispositions qu'il convient de prendre pour se protéger des rigueurs du temps.
"Chat ahad assodanat togeyag ; agmay anwar degh tassassagh " les Pléiades quand elles tombent ; tu n'es pas endormi, tu cherches l'outre pour boire ..
" As digmadanat tokeyagh ; tagmayagh tabroq talsaq " quand elles sortent tu veilles; tu cherches une couverture pour te vêtir. ...
Le cycle annuel voit se succéder des saisons, qui rythment la vie pastorale, qui régissent les activités des hommes, qui règlent les déplacements des bergers et des troupeaux. En dehors du rapport direct entre les ressources en eau, en fourrage et les activités pastorales, qui commande l'utilisation du milieu, il existe des périodes bénéfiques, d'autres défavorables dont il faut tenir compte.
Les Ilabakkans ( tribu touareg ) divisent l'année en six périodes ,trois favorables ( Tamert n'alkher ) et trois néfastes ( Tark amert).
- La pemière periode dangereuse se situe du début a la fin de la saison de gharat entre l'apparition des pattes posterieures et celle la tête de la chamelle (Grande Ourse), c'est-a-dire du 15 septembre au ler novembre. Au cours de cette Période, on ne donne pas de sel aux animaux, on ne les fatigue pas, on ne soigne pas certaines maladies "chaudes" comme les coups de chaleur, la congestion (Ezani ) qui frappe souvent les chameaux et qu'on traite par la saignée.
- La seconde période néfaste se place entre le milieu et la fin de la saison froide (tagrëst), entre l'apparition d'Áziz wa yighsäran (Lyre) et celle d'Aziz wa iggadan (Cygne), c'est-à-dire entre le 15 janvier et fin mars. Au cours de cette période, des maladies "chaudes" se manifestent, telle tukse (boutons, abcès avec fièvre).
La troisième période dangereuse va de la fin de la saison chaude ( Awelan ), au début de celle des pluies (akassa), de l'époque où les
Pléiades se couchent au crépuscule à l'ouest à celle où à l'aube elles apparaissent à l'orient, c'est-à-dire du 15 mai au 15 juin. I1 ne faut pas alors donner de sel aux animaux ; de nombreuses maladies "chaudes" attaquent les hommes et leurs troupeaux : tukse (abcès, fièvre, etc.), tanesmut (blennorragie), tasmat (maux du bas ventre), izaffawan.
On retrouve dans tout le monde touareg de telles périodes néfastes : au Désert, la saison froide (tagresf) est divisée en deux parties égales : "tagrast (plur. tigarra )...( hiver) nous subdivisons l'hiver en deux parties égales, la tagrest settefet, "hiver ayant été noir, hiver noir") et la tagrest mellet, "hiver ayant été blanc, hiver blanc") ; la tagrest settefet est la première moitié de l'hiver, la tagrest mellet la seconde ; tagrest semble être une corruption de tarrest ... "et on trouve"êrhed (plur. êrbeden) //période de 40 jours comprise entre le 26 décembre (inclus) et le 3 février (inclus).
"Les gens ne se marient pas durant "le mois noir." On dit que ce mois est néfaste et peuplé de génies : on en a une crainte superstitieuse. Les hommes ne se rasent pas durant ce mois. On ne pan pas en rezzou pendant le mois de ramadan ainsi que durant le mois de la dîme. On affirme qu'une expédition qui irait en rezzou pendant ces deux mois subirait un grand malheur on subdivise l'hiver en deux parties avec également une période dangereuse :
" 1- L'hiver noir, erhed settefen... Début de l'hiver qui dure 25 jours. Cette période va du 28 novembre au 22 décembre inclus..
Certains expliquent l'expression d'l'hiver noir" par le fait que la végétation se dessèche et noircit comme si elle était brûlée par un feu. Cette première partie de "l'hiver est en général humide et froide..."
2- Les nuits noires... Période de 20 jours durant laquelle la vie des animaux domestiques est menacée, en particulier, celle des chevreaux, chèvres, brebis ; elle va du 23 décembre au 13 janvier. Les nuits noires ont les mêmes caractéristiques que l'hiver noir. Beaucoup ne les différencient pas de l'hiver noir auquel nous donnons alors une durée de 45 jours ..." Les quatre saisons ont théoriquement 90 jours chacune (en fait
Les saisons du Désert ne sont pas celles de l'Air, de l'Azawagh ou de l'Adghagh des Ifoghas et ne peuvent être comparées, mais la période néfaste au cours de la saison sèche semble partout présente.
Nous connaissons des périodes où les animaux doivent éviter de consommer du sel.
Or, on sait que les animaux sont régulièrement conduits au cours de la traditionnelle "cure sa1ée" dans les régions de terre salée (ahara) aux bienfaits reconnus par tous les Cliveurs (engraissement, effets purgatifs, lactation, etc.).
Ces périodes "sans sel", au nombre de trois, sont bien identifiées 1- Sutambar, 30 jours en septembre-octobre ;
2- Ehad sattafan (nuit noire) ou erhad (mauvaise nuit), 40jours de décembre à 2
fin janvier ;
3- ejadal-n-Chat ahad (chute des Pléiades), fin avril à debut juin.
Durant ces penaudes, la "cure salée" doit être évitée pour les animaux et la consommation de sel limitée pour les hommes, sinon des accidents se produisent tels qu'œdèmes, "coups de sang" ou amaigrissement progressif conduisant à la mort. On cite dans ce document le cas des Iboghollitan qui avaient négligé cette recommandation durant l'ehad sattafen en 1979 : un tiers de leurs huit cents moutons moururent une semaine après la "cure salée".
Certaines dates sont considérées comme fastes en se référant au calendrier lunaire: "On donne aussi à l'annulaire les noms de wa n asikel "celui du voyage" et de wa n tedwat "celui du mariage", parce qu'on recommande de partir en voyage et de se marier un des jours du mois dont le chiffre correspond à ceux qui tombent sur
l'annulaire quand on compte sur les doigts d'une main en commençant par le petit doigt. et recommençant toujours par le petit doigt, c'est-à -dire le 2 du mois, ou le 7, le 12, le 17; le 22, le 27."
Ces périodes fastes et néfastes peuvent s'expliquer par des raisons différentes, parfois successivement invoquées, plus souvent associées dans un alliage subtil : raisons astrales, magiques, religieuses ou pastorales. Or, il arrive que ces périodes se référent à des calendriers différents qui invoquent des causes distinctes. Le "mois noir", cité par tous les auteurs, fait partie du calendrier pastoral qui, inscrit dans notre année solaire, revient toujours à la même période (décembre, janvier). Par contre, le mois de ramadan et le mois de la dîme, cités comme néfastes pour les expéditions guerrières , on fait référence au calendrier musulman lunaire et par conséquent à des mois mobiles qui se décalent chaque année et peuvent se placer à n'importe quelle saison.