L’entrée du cheval de Troie
Pour mettre fin à la guerre, les Grecs, sur les conseils
d’Ulysse, inventent une ruse :
le cheval de Troie. Celle-ci est longuement racontée par le
Troyen Énée.
Les chefs
des Grecs, sur les conseils de la déesse Athéna, fabriquent
un cheval haut comme une montagne, dont
ils forment les côtes avec des planches de sapin entrelacées. Ils prétendent
que c’est une offrande à la déesse pour s’assurer un retour favorable, et ils
répandent ce bruit. En cachette, ils enferment dans les flancs aveugles1 de l’animal des guerriers tirés au sort. Le
ventre de la bête se remplit d’hommes en armes, jusqu’au fond de ses cavernes
immenses […].
Les Grecs
se retirent et se cachent sur le rivage désert de l’île voisine
de Ténédos. Nous, nous croyons qu’ils
sont partis et qu’ils font voile vers Mycènes. […] On crie en choeur qu’il faut transporter la
statue vers le temple d’Athéna et qu’il faut prier la puissance divine. Nous perçons la muraille et ouvrons les remparts de
la ville. Tous se mettent à l’oeuvre.
Sous les pieds du cheval, on glisse des roues pour le faire glisser ; autour de son cou, on
tend des cordes de chanvre2 ; la machine fatale3 franchit les remparts, pleine d’hommes armés. Autour d’elle, des
enfants, des jeunes filles chantent des hymnes sacrés et s’amusent à toucher la
corde qui
la tire.
La machine monte et, menaçante, se glisse jusqu’au coeur de la ville. […]
Quatre fois, elle heurte le seuil même de la porte, quatre fois, un bruit
d’armes résonne dans son ventre. Pourtant, nous insistons, inconscients, aveuglés par notre folie, et, ce
monstre de malheur, nous l’installons dans notre
citadelle sacrée.
Les Troyens fêtent joyeusement la fin de la guerre. Pendant la
nuit, les Grecs reviennent.
Secrètement,
l’espion grec Sinon ouvre les trappes en pin
et délivre les Grecs enfermés
dans le ventre ; le cheval ouvert rend à l’air libre ces hommes qui, tout joyeux, sortent de leur caverne de bois en se
laissant glisser le long de la corde : les chefs, Thessandre et Sthénélus, le funeste4 Ulysse et beaucoup d’autres. Ils envahissent la ville assoupie par le sommeil
et par le vin ; ils massacrent les veilleurs et, par
les portes ouvertes, font entrer tous leurs compagnons.
Virgile, Énéide, chant II, traduit par Chantal Bertagna.